L’aberration sphérique

Même si elle n’est pas le premier terme du polynôme de Zernike, l’aberration de sphéricité est la plus importante car elle affecte l’instrument à la fois « sur l’axe et hors axe » optique. Elle limite donc définitivement le résultat atteignable par l’instrument en faisant perdre contraste et piqué.

L’aberration de sphéricité représente d’écart du front d’onde par rapport à la sphère en terme d’excentricité de la conique.

Dans le cadre du développement du polynôme de Zernike, l’aberration de sphéricité est une figure de révolution et est représentée par un seul terme pour chaque ordre au lieu de deux. Cela signifie que cette aberration est représentée par une courbe qui montre le profil de la surface en coupe, et la rotation de cette courbe autour d’axe suffit à décrire la forme de la surface :

 

L’une des formes d’aberration de sphéricité les plus courantes se trouve dans les réflecteurs qui utilisent des formes dérivées de la sphère lors du polissage du verre.

Le miroir parabolique est la conique qui permet de faire converger tous les rayons lumineux parallèles incidents en un seul point. Cela veut dire que le miroir parabolique à la propriété de transformer un front d’onde incident plan en onde sphérique.

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce n’est donc pas la sphère qui elle induit justement une aberration de sphéricité lorsqu’elle est utilisée avec un front d’onde plan : tous les rayons ne convergent pas au même point sur l’axe optique.

Lors du polissage d’un miroir, le disque de verre est d’abord amené à une forme sphérique car c’est la forme la plus simple à obtenir lorsqu’on frotte le disque de verre contre l’outil qui sert à l’user.

Ensuite, selon le design optique qui a été choisi par l’opticien, ce miroir sera amené depuis cette forme sphérique à une parabole, une hyperbole ou une ellipse. Dans le cas d’un télescope de Newton, ce sera une parabole. Si cette étape de parabolisation n’est pas parfaite – et elle ne l’est jamais – la forme finale présentera une différence par rapport à la parabole qui sera l’aberration de sphéricité.

L’aberration de sphéricité est comme nous l’avons vu la variation de la courbure du front d’onde par rapport à la référence sphérique. En général, la valeur de l’écart à la sphère est différente selon la distance des rayons par rapport à l’axe optique. Souvent, les rayons marginaux (qui sont les plus éloignés de l’axe optique, ceux qui passent au bord de l’instrument) sont moins bien corrigés que les rayons paraxiaux (ceux qui passent à proximité de l’axe, c’est-à-dire près du centre de l’instrument). Ceci est dû au fait que les rayons marginaux nécessitent une plus forte correction de leur trajectoire et donc s’éloignent plus des conditions de Gauss. Evidemment plus les rayons de courbure sont importants et plus il est plus difficile d’obtenir une forme parfaite.

L’aberration de sphéricité peut être considérée comme une variation de la focale de l’instrument en fonction de l’écart à l’axe optique des rayons.

Comme tous les rayons reviennent ensemble sur l’axe optique, la conséquence est qu’il n’y a pas un seul point de focalisation, mais plusieurs selon l’origine du rayon. Cela fait qu’il n’y a plus de mise au point parfaite, mais juste un meilleur compromis qui se situe en général entre le point de focalisation des rayons marginaux et celui des rayons paraxiaux. Ce point est souvent nommé Bf de l’anglais best focus.

Pour représenter cette courbure, et parce que cette aberration est une surface de révolution, il suffit de représenter l’écart par rapport à la forme parfaitement sphérique de l’onde  en fonction de la distance du rayon incident par rapport à l’axe optique.

Voici par exemple une représentation du front d’onde réel dans le cas d’un miroir parabolique, c’est l’écart sur l’onde :

Dans cet exemple, les rayons marginaux présentent un décalage important. Evidemment l’écart se réduit à mesure que l’on se rapproche de l’axe. La ligne bleue représente la forme parfaite qu’aurait du avoir le front d’onde. Il faut noter que cela ne signifie pas que le front d’onde est plan, mais il s’agit d’une représentation des écarts par rapport au front d’onde parfait qui est bien sphérique.

Une autre présentation ne considère pas l’écart sur l’onde, mais l’écart après la projection des rayons sur l’axe optique.

On retrouve donc l’écart de focus entre les rayons marginaux et les rayons paraxiaux. L’écart mesuré sur l’axe optique est l’aberration de sphéricité longitudinale (LSA en Anglais), et sa projection transversale au point de meilleur focus (best focus) est l’aberration de sphéricité transverse (TSA).

Ces deux valeurs sont plus parlantes pour l’astronome que l’écart sur l’onde. L’aberration longitudinale sera la course du focuser entre les différents focus. De son coté  l’aberration transverse permettra de calculer la taille d’une étoile sur un capteur CCD par exemple.

On retrouve souvent ces courbes de TSA et LSA dans les designs des constructeurs, et dans les rapports de métrologie.

Néanmoins l’écart sur l’onde, la TSA et la LSA ne sont que trois représentations différentes de la même chose : l’aberration de sphéricité.

Cette aberration impacte bien sûr l’aspect de la tâche de diffraction  en renforçant les anneaux externes. L’image suivante montre l’impact d’une aberration de sphéricité croissante :

Les causes de l’aberration de sphéricité dans un instrument sont très variées :

  • Mauvaise pente de l’optique qui n’est pas à la forme voulue par le design
  • Mauvais ajustement de lentilles dans un objectif : erreur de distance entre elles par exemple
  • Effet secondaire d’un correcteur de champ d’une lunette ou d’un télescope
  • Chromatisme (voir le chapitre sur le chromatisme)
  • Effet secondaire du design optique initial dans le cas d’un compromis
  • Insertion d’un élément optique plan mais épais (filtres ou diviseur optique).

Certaines sont donc prévisibles et dues au design, d’autres sont dues à une mauvaise réalisation de l’optique.

Il faut noter que les designs des réfracteurs (doublets aplanétiques) et des réflecteurs éliminent l’aberration de sphéricité autant que faire se peut.

Néanmoins cela n’est pas toujours le cas par exemple en photographie. L’aberration de sphéricité définie une surface caustique qui fait que la zone entre les deux foyers extrêmes correspond à une profondeur de champ.

Sur cette zone le piqué peut être considéré comme acceptable selon la taille des éléments élémentaires de l’imageur : grains du film ou photosites. A l’époque de l’argentique, les concepteurs d’objectifs profitaient de la relative grosseur des grains du film pour introduire une aberration de sphéricité et donc donner de la profondeur de champ, notamment avec les optiques très ouvertes et de longue focale. Cela fait que des optiques qui étaient très performantes en argentique donnent de moins bons résultats en numérique.